Sous la direction de DR : Habiba Nasraoui Ben Mrad, voici ci-après les travaux qui ont été réalisés par trois étudiantes en Licence Ingénierie Economiques et Financière à l’ESCT qui sont ; Mlle SOUILMI Yomna ; Mlle Ben CHEIKH Abir et Mlle RIAHI Sondes

Le secteur financier traverse une phase de transformation profonde portée par des innovations technologiques majeures : l’Intelligence Artificielle (IA), la blockchain et le foisonnement des FinTech. L’IA permet d’automatiser et d’optimiser l’analyse de volumes massifs de données ; la blockchain apporte la décentralisation, l’immutabilité et la traçabilité ; les FinTech exploitent ces technologies pour construire des services financiers plus accessibles, rapides et personnalisés.
Quels sont donc les impacts économiques et organisationnels, ainsi que les challenges réglementaires et éthiques de ces innovations technologiques ?.
I. Les fondements de l’IA, de la blockchain et des fintech
- L’intelligence artificielle (IA) dans le secteur financier:
L’intelligence artificielle regroupe les méthodes permettant aux systèmes informatiques d’exécuter des tâches qui nécessiteraient normalement une intelligence humaine : apprentissage (machine learning), réseaux neuronaux profonds (deep learning), traitement du langage naturel (NLP), etc. Grâce au Machine Learning et au Deep Learning, l’IA est devenue un outil essentiel pour les banques, capable de traiter rapidement et efficacement de vastes volumes de données En finance, l’IA permet de traiter de grands volumes de données hétérogènes pour la détection de fraude, la prévision, la personnalisation des offres, l’automatisation opérationnelle et l’aide à la décision.

L’adoption croissante de l’IA dans la finance, n’est plus à discuter puisqu’elle passe d’environ 10 % en 2010 à plus de 80 % en 2025. Cela reflète une transformation rapide du secteur : l’IA n’est plus un simple outil technique, mais un moyen stratégique d’innovation, de réduction des coûts et d’amélioration opérationnelle
- Applications financières:
Les applications financières de l’IA sont multiples :
- Détection de fraude : scoring en temps réel, détection d’anomalies comportementales. Identification rapide et précise des transactions suspectes pour sécuriser les opérations
- Robo-advisors : gestion algorithmique de portefeuilles (ex.: Yomoni, Nalo).
- Scoring de crédit : modèles alternatifs fondés sur données non traditionnelles.
- Service client intelligent : chatbots et assistants vocaux.
- Automatisation des processus (RPA + IA) : traitement KYC, vérifications documentaires.
- Prédiction des marchés : utilisation de l’IA pour anticiper les tendances financières et guider les décisions d’investissement
- Cas Tunisien : Adoption de l’IA pour optimiser la gestion des risques et améliorer les services bancaires
L’IA améliore la rapidité, la précision et la rentabilité des opérations financières, elle génère des gains d’efficacité, la réduction des coûts, personnalisation, et amélioration de la prévention Cependant, elle pose des défis, tels les Biais algorithmiques ou l’insuffisance du cadre éthique et réglementaire.
II. Les applications de la blockchain dans la finance:
La blockchain est un registre décentralisé et sécurisé permettant de stocker et de transférer des informations sans intermédiaire. Elle se décline en trois types principaux : Les blockchains publiques, ouvertes à tous et transparentes, comme Bitcoin ou Ethereum ; les blockchains privées, contrôlées par une organisation et réservées à des participants autorisés ; et les blockchains hybrides, qui combinent les avantages des deux précédentes pour offrir à la fois transparence et contrôle selon les besoins
1. Les applications de la blockchain dans la finance sont ainsi multiples :
- Cryptomonnaies et paiements décentralisés : échanges rapides et sécurisés sans intermédiaires.
- Smart contracts : contrats automatisés qui s’exécutent seuls selon des conditions programmées.
- Finance décentralisée (DeFi) : prêts, échanges et investissements réalisés directement sur la blockchain.
Rappelons que la Banque Centrale de Tunisie a testé en 2020 un prototype de monnaie numérique (e-Dinar) basé sur la blockchain.
III. Les fintech : catalyseur de la transformation numérique
Le terme Fintech, issu de la contraction de “Finance” et “Technology”, désigne l’ensemble des entreprises qui mobilisent les innovations numériques pour repenser les services financiers. Ces acteurs introduisent une dynamique de modernisation et de disruption, en rendant la finance plus fluide et inclusive .
- Quels sont les différents types de Fintech
- Paiements et transferts (wallets, mobile money)
- Prêts et crowdlending
- Néobanques / services bancaires digitaux
- InsurTech (assurances numériques)
- WealthTech / Robo-advisors
- DeFi / Cryptos
- L’évolution du modèle d’affaires des FinTech/Passage du modèle traditionnel au modèle numérique intelligent : Vers une complémentarité stratégique
Il s’agit de la transition d’un modèle fondé sur l’intermédiation classique physiques, (agences documents papier, processus manuels, procédures longues faibles accessibilité pour certaines populations ) vers un modèle digital
Les fintech contribuent à :
- Dématérialiser les opérations financières : paiements mobilkes, e-banking ; portefeuilles numériques
- Réduire les coûts liés aux transactions et à la gestion administrative
- Améliorer l’expérience client grâce à des interfaces simples et intuitives accessibles, une disponibilité continue ,un traitement accéléré des opérations
- Accélérer les décisions financières, notamment en matière de crédit ou d’investissement grâce à l’analyse des données et à l’intelligence artificielle
- Automatisation des opérations permettant une réduction significative des tâches répétitives.
- Recours à l’IA pour analyser les données, anticiper les besoins et adapter les services en temps réel
Aujourd’hui, la relation entre banques et fintech est devenue coopérative et complémentaire. Les principaux mécanismes de collaboration peuvent être résumés dans le schéma suivant :

IV. Impacts et enjeux des transformations induites par l’IA et la blockchain dans les Fintech
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- L’intelligence artificielle comme moteur de l’innovation financière
L’IA joue un rôle central dans la transformation du modèle FinTech, grâce à l’automatisation, la réduction des coûts et la personnalisation. L’IA gagne du terrain : 61 % des institutions la renforcent, 72 % l’utilisent quotidiennement (Finastra, PYMNTS, 2024
L’implémentation de l’IA dans les FinTech a généré des gains de performance majeurs. La précision de détection de fraude est passée d’environ 70 % à 90 %, tandis que les gains de temps opérationnels ont augmenté de 50 % à 80 %. Les taux de conformité se sont améliorés de 60 % à 85 %. L’impact le plus marquant concerne la vitesse de traitement, qui atteint près de 95 % contre 55 % avant l’IA. Enfin, la satisfaction client progresse de 65 % à 90 %, confirmant que l’IA est devenue un levier stratégique de performance, de sécurité et de qualité de service dans l’écosystème FinTech
- La Blockchain : un levier de transparence et de sécurité

- Impacts économiques et sur la performance et la productivité
Réduction des coûts opérationnels et des délais de traitement grâce à l’automatisation des tâches, l’analyse prédictive et les processus décentralisés.
Augmentation de la rentabilité et de la compétitivité des FinTech, permettant de proposer des services plus rapides, personnalisés et moins coûteux que les acteurs traditionnels
V. Étude De Cas : VISA
- VISA : La Fintech Numéro 1 au Monde
Visa est un réseau mondial de paiements électroniques, opérant dans plus de 200 pays et reliant plus de 4,3 milliards de cartes. Son modèle repose sur une infrastructure hautement sécurisée, capable de traiter jusqu’à 65 000 transactions par seconde.

Visa est le leader incontesté de la FinTech mondiale et occupe une position dominante sur le marché mondial des paiements digitaux, avec plus de 50 % de parts de marché, largement devant les autres acteurs comme Mastercard ou PayPal.
En tant que fintech, Visa investit massivement dans des technologies telles que : L’intelligence artificielle (fraude, scoring de risque) ; Le cloud computing ; Les API ouvertes pour les banques et fintech partenaires ; Les paiements biométriques et sans contact Visa traite plus de 276 milliards de transactions par an, avec un taux de fraude parmi les plus faibles du secteur grâce à ses systèmes IA (Visa Advanced Authorization).

La hausse du volume annuel des transactions Visa, passé de 170 à plus de 276 milliards entre 2018 et 2024, illustre l’essor des paiements dématérialisés et confirme le rôle central de Visa dans les infrastructures FinTech et les nouveaux modèles de paiements numériques.
2. VISA comme moteur de transformation numérique ![]()
Visa joue aujourd’hui un rôle majeur dans la transformation numérique du secteur financier. Grâce à son programme Fast Track, l’entreprise collabore avec plus de 250 FinTechs, favorisant l’innovation et l’intégration rapide de nouvelles solutions. Avec Visa Open Access, elle s’impose également comme un acteur clé de l’open banking. Visa facilite l’intégration des paiements dans l’e-commerce, les super-apps et les portefeuilles numériques, tout en investissant dans des technologies avancées comme la blockchain à travers Visa B2B Connect et l’utilisation de stablecoins tels que l’USDC. Par cette capacité d’adaptation et d’innovation, Visa s’affirme comme un catalyseur central de la digitalisation des paiements à l’échelle mondial
VI. Les enjeux stratégiques, éthiques et sociétaux
- Les enjeux stratégiques pour les acteurs financiers :

Les banques traditionnelles dominent certes le marché avec 55 %, mais leur position est de plus en plus concurrencée par les fintechs, qui représentent déjà 30 % grâce à leur capacité d’innovation. Ce graphique montre que les banques traditionnelles dominent encore le marché avec 55 %, mais leur position est de plus en plus concurrencée par les fintechs, qui représentent déjà 30 % grâce à leur capacité d’innovation. Les néobanques, avec 15 %, restent moins présentes mais progressent rapidement grâce à leur modèle 100 % digital. Globalement, le graphique illustre un secteur en transformation, où les nouveaux acteurs numériques gagnent du terrain et poussent les banques à innover pour rester compétitives.
- Enjeux éthiques :
- Biais et discrimination algorithmique : assurer l’équité, éviter les biais et garantir l’explicabilité des alghorithmes
- Vie privée et protection des données personnelles : garantir la confidentialité et la sécurité des informations sensibles des utilisateurs
- RGPD : respecter les règles de consentement , de transparence et de droit à l’oubli
- Transparence des décisions automatisées.
- Enjeux sociétaux
Les technologies numériques facilitent l’accès aux services financiers pour les populations non bancarisées, grâce aux wallets mobiles, aux paiements digitaux et aux services FinTech accessibles à faible coût. C’est un levier pour l’inclusion financière. Cependant, une partie de la population reste exclue en raison du manque d’accès à Internet, d’équipements ou de compétences numériques, créant un risque d’inégalités accrues, et donc de fracture numérique.
VII. Perspectives et recommandations pour le développement des FinTech dans le contexte tunisien : Le cas de Flouci
- Potentiel et opportunités du marché Tunisien
La Tunisie dispose d’un marché numérique en pleine expansion, avec 15,5 millions de connexions mobiles et un taux de pénétration Internet de 84,3 % en 2025. Cette population largement connectée constitue un terrain favorable pour les FinTech locales comme “Flouci”, qui peuvent proposer des services innovants, accessibles et adaptés aux besoins des utilisateurs.
L’étude approfondie du marché Tunisien permet d’identifier les caractéristiques suivantes :
- Croissance rapide de la digitalisation :
- 91 % des entreprises tunisiennes utilisent des plateformes informatiques et Internet.
- +40 % d’augmentation des services administratifs digitalisés depuis 2020
- Explosion du smartphone & mobile banking /Taux de pénétration du smartphone : ≈ 84 %. Le mobile représente 70 % du trafic Internet national.
- +55 % de croissance de l’usage du mobile banking en 4 ans.
- Faible bancarisation soit un marché à fort potentiel
- Seuls 37 % des Tunisiens possèdent un compte bancaire.
- +1,8 million de personnes encore non bancarisées → opportunité pour des fintech comme Flouci.
- Écosystème entrepreneurial dynamique
- +650 startups actives en Tunisie (label Startup Act).
- +100 incubateurs, accélérateurs et hubs d’innovation.
- 40 % des nouvelles startups sont dans le digital.
- Cadre réglementaire encore à renforcer.
- Flouci® : La super-app financière tunisienne
Lancée en 2018 par Anis Kallel (CTO) et Nebras Jemel (CEO) de Kaoun, Flouci est une Super-app locale qui permet de gérer des services financiers sécurisés via un wallet adossé à des banques partenaires agréées par la Banque Centrale de Tunisie. Transactions instantanées, paiements cashless et services du quotidien : tout se fait directement depuis l’application, simplifiant la bancarisation et les échanges d’argent.
- Les produits et Services de Flouci
- Wallet mobile (paiements P2P / P2M).
- Onboarding KYC digital.
- Intégration avec commerçants via QR / APIs.
- Carte bancaire virtuelle et physique
- Paiement par QR-code
- Paiements instantanés et transferts
- Compte bancaire Wallet/Digital
- Performance et trajectoire
Entre 2020 et 2024, Flouci a connu une croissance régulière et soutenue de ses transactions, reflétant l’élargissement de la base d’utilisateurs et la confiance croissante dans la plateforme. En 2024, le volume total dépasse 91,2 millions de dollars, marquant la maturité et l’ancrage de Flouci dans les paiements digitaux
- Analyse SWOT de Flouci

VIII. Stratégies de développement et recommandations pour Flouci et le secteur FinTech tunisien
1. Recommandations pour Flouci
Il est fortement recommandé à Flouci de :
- Renforcer la sécurité : implémenter modèles IA de détection proactive de fraude + cryptographie robuste.
- Améliorer l’acquisition & fidélisation : offres promos ciblées, partenariats merchants, UX simplifié pour onboarding.
- Élargir l’offre : micro-crédit, épargne, paiements internationaux (onboarding des migrants).
- Interopérabilité : APIs ouvertes pour intégration banques / services publics.
2. Recommandations pour les pouvoirs publics
Les pouvoirs doivent intervenir en mettant en œuvre les mesures qui permettent de :
- Renforcer le cadre réglementaire des services FinTech(sandbox, licences claires).
- Soutenir l’inclusion financière et numérique : subventions infrastructures rurales, programmes de littératie digitale.
- Encourager la R&D & partenariats universités-entreprises.
- Normes de sécurité & confidentialité (alignement avec meilleures pratiques internationales
- Accélérer la digitalisation des services administratifs
- Encourager l’innovation et l’entrepreneuriat FinTech
Malgré une bancarisation encore limitée, le marché présente un potentiel d’inclusion financière considérable. Les recommandations formulées, qu’elles s’adressent aux acteurs privés ou aux autorités publiques, constituent une véritable feuille de route pour bâtir un secteur FinTech Tunisien solide, sécurisé et bien encadré
L’IA et la blockchain reconfigurent durablement le paysage financier. Leur combinaison permet d’améliorer la performance, la sécurité et l’inclusion. En Tunisie, des acteurs locaux comme Flouci peuvent tirer parti d’un fort potentiel mobile et d’un écosystème entrepreneurial dynamique, à condition d’avoir un accompagnement réglementaire, des investissements en sécurité et une stratégie d’inclusion numérique.











