Mahmoud Triki: « Faire de la Tunisie une destination éducationnelle pour l’Afrique »

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Interview: Mahmoud Triki, – Fondateur de la South Mediterranean University (SMU)

Dans un ordre économique mondial fondé sur le « savoir », l’éducation devient stratégique pour un développement économique et social soutenu. L’éducation peut-être un véritable moteur de croissance économique si les pays investissent dans la qualité pour le développement de le capital humain.
A l’international, depuis les années 60, toutes les études ont prouvé l’impact du niveau et de la qualité des études dispensées par les grandes universités sur les écarts de croissance entre les pays.

En fondant le MSB (Mediterranean School Of Business) et le MedTech (Mediterranean institute of Technology), Dr. Mahmoud Triki, repense l’Education dans notre pays et contribue à l’insertion de la Tunisie dans une économie mondiale où la langue de référence est la langue anglaise.

Entretien

Comment vous est venue l’idée de fonder une université anglophone ?
La langue de la science et des relations internationales est la langue anglaise. Si nous voulons contribuer à l’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale, il faut former des cadres capables de communiquer e

 

Quand en 2002, j’ai décidé de fonder la première université anglophone, un de mes amis m’avait dit : pourquoi pas une université bilingue (francophone et anglophone), j’ai rétorqué : je ne veux pas d’un animal à deux têtes. Quelques années plus tard, le Ministère de l’Enseignement Supérieur a créé la «Tunis Business School-TBS», première université publique organisant ses programmes en langue anglaise

Est-ce votre parcours universitaire qui a déterminé ce choix ?
J’ai passé 15 ans à l’étranger dont 10 ans aux Etats-Unis d’Amérique traitant avec des universités nord-américaines en tant qu’étudiant et en tant qu’universitaire.
Durant les années 1970, j’enseignais à HEC Paris et le gouvernement français avait décidé d’envoyer aux Etats-Unis d’Amérique des enseignants pour un PHD. N’étant pas de nationalité française; je me suis adressé à la Fondation Nationale d’Enseignement de Gestion (FNEGE) qui était chargée de la gestion de ce programme leur demandant si je pouvais bénéficier de ce programme. La FNEGE a approuvé ma demande et a financé mes études de PHD.

Devant les contraintes imposées aux institutions universitaires publiques, j’ai eu l’idée de créer un pôle universitaire privé inspiré des grandes universités nord-américaines.

Devant les contraintes imposées aux institutions universitaires publiques, j’ai eu l’idée de créer un pôle universitaire privé inspiré des grandes universités nord-américaines.

A la fin de mes études de doctorat, je suis rentré en Tunisie (années 70) et j’ai intégré la Faculté de Droit et de Sciences économiques et de Gestion de Tunis en tant qu’enseignant avec un salaire mensuel de 183 Dinars, Je joignais les deux bouts grâce à des missions de courte durée de consultant auprès de la Banque Mondiale et des Nations Unis. Devant les contraintes imposées par le ministère de tutelle aux institutions universitaires publiques, j’ai eu l’idée de créer un pôle universitaire privé inspiré des grandes universités Nord-Américaines. Il fallait attendre la parution de la loi régissant l’organisation et le fonctionnement des universités privé.

Comment avez-vous développé vos programmes ?
Le point de départ était les besoins des institutions économiques en compétences. Étant professeur de marketing, j’ai appliqué à l’éducation le concept des quatre P du « marketing mix » ; à savoir le Produit, le Prix, la Promotion, et la distribution Physique. En éducation, les quatre P concernent les Programmes, les Professeurs, la Promotion et le Prix (Frais de scolarité).

A titre indicatif, quand nous avons décidé la construction de la Mediterranean School of BusinessMSB, nous avons organisé un concours d’architecture. Ensuite j’ai demandé au gagnant d’apporter son passeport. Il était surpris, je lui ai dit que nous allions l’envoyer aux Etats-Unis pour visiter quelques universités parmi les plus prestigieuses. Je l’ai accompagné à Harvard, MIT, Princeton, Stanford et Chicago.

Nos amphithéâtres sont inspirés de ceux de la Harvard Business School mais mieux équipés.

Nos amphithéâtres sont inspirés de ceux de la Harvard Business School mais mieux équipés. Pour les programmes, nous nous sommes inspirés des programmes des meilleures universités nord-américaines avec une orientation vers les spécificités des Pays en développement.

Nous avons invité des professeurs américains et européens parmi les plus prestigieux pour des missions de courte durée. Nous avons ensuite développé graduellement des programmes destinés aux cadres supérieurs.
Nos programmes sont continuelle ment mis à jour en étant vigilants aux avancées technologiques rapides ainsi qu’en étant attentifs aux attentes de l’Eco système.

Notre ambition est de contribuer à faire de la Tunisie une destination éducationnelle de référence pour les pays africains et pour les cadres des pays développés intéressés par l’Afrique

Étaient-ils de parfaits anglophones au démarrage de leurs études chez vous ?

Nous offrons un programme de mise à niveau en langue anglaise pour les candidats à nos programmes, soit des cours accélérés de 3 à 4 semaines, ce qui leur permet d’assimiler ensuite les connaissances et le savoir en Anglais

Comment avez-vous évolué pour développer un pôle universitaire pluridisciplinaire ?

Nous avions commencé par la « Mediterranean School of Business » (MSB) parce que je suis professeur en business. Ensuite, nous avons développé l’ingénierie : «le Mediterranean Institute of Technolgy » (MedTech) pour former la South Mediterranean University (SMU), A ce jour, les effectifs de la SMU sont de l’ordre de 2000 étudiants

La prochaine école sera une école d’administration.

Est-ce que vous offrez des bourses comme dans nombre d’universités US de renom ?

Nous avons adopté deux systèmes : un système d’octroi de bourses aux candidats exceptionnels grâce à notre fondation (la Fondation SMU). Nous avons aussi un accord avec la Banque Zitouna pour accorder des prêts à des taux d’intérêt très bas aux candidats qui cherchent le financement de leurs études. Pour les cadres en exercice, ce sont les entreprises qui paient.

Pourquoi développer un enseignement de qualité dans le privé alors que le public existe ? Le besoin était là ? Ou vous l’avez créé ?

Le besoin était là. La Tunisie a besoin de cadres de haut niveau, qu’il s’agisse de nouvelles recrues ou de ceux qui sont déjà en exercice. Les parents veulent que leurs enfants bénéficient d’un enseignement de qualité qui peut permettre à leurs enfants d’accéder aux plus hauts postes à l’échelle internationale. Notre ambition est de contribuer à faire de la Tunisie une destination éducationnelle de référence pour les pays africains et pour les cadres des pays développés intéressés par l’Afrique.

Le secteur privé peut même être un leader dans le système éducatif, car il est hautement équipé pour fournir une logistique d’enseignement de pointe. Notons que certaines des universités les plus prestigieuses au monde telles que Harvard, MIT, Stanford et Stanford sont privées.

Combien d’étudiants africains sont inscrits chez vous ?

Nous avons des étudiants qui viennent de différents pays d’Afrique. La SMU Holding compte ouvrir des bureaux de représentation en Algérie, en Libye et en Côte d’Ivoire pour l’Afrique de l’Ouest pour promouvoir nos programmes dans ces pays

Il faut de la volonté, de la détermination et des moyens pour investir dans un système éducationnel de qualité.

La Tunisie jouit d’un capital de sympathie extraordinaire en Afrique de l’Ouest. Les liens d’amitié de Bourguiba avec Senghor et Félix Houphouët-Boigny ont contribué au développement des relations avec ces pays. J’ai été en Mauritanie et j’ai beaucoup apprécié le capital de sympathie dont jouit la Tunisie dans ce pays.

Enseignement universitaire public/Enseignement universitaire privé :

pensez-vous que l’existence d’un pôle universitaire tel que le vôtre pourrait tirer l’enseignement supérieur vers le haut ?

Espérons.

A quel niveau ?

Il s’agit de programmes conjoints. Notre université dispose de programmes conjoints avec HEC Montréal. Nos étudiants étudient deux années à la SMU et deux années à HEC Montréal pour une double diplomation. Par ailleurs, nos étudiants paient les mêmes frais de scolarité que les Québécois. Nous développons des programmes similaires avec l’Université du Colorado aux USA.

Comment d’après vous améliorer la qualité d’un enseignement supérieur public qui a considérablement reculé ces dernières années ?

Par la volonté politique. Le Ministère doit (1) encourager les universités publiques à améliorer et innover et (2) donner aux universités publiques plus d’autonomie et de souplesse pour l’élaboration de leurs programmes et le choix de leurs corps professoraux. La Tunisie doit faire de l’éducation une priorité. Il faut de la volonté, de la détermination et des moyens pour investir dans un système éducatif de qualité et développer des programmes à l’international. La Tunisie peut devenir la destination éducationnelle de référence pour les étudiants africains et pour ceux qui s’intéressent à l’Afrique.

Propos recueillis par Amel Belhadj Ali – WMC – Hors-Série

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